Le service que je ne voulais pas traverser... Mais vraiment, sincèrement. Les urgences, où règnent tensions, peurs, cris, larmes... J'en avais une image horrible !

Quand j'ai vu le service en face de mon nom à la fin de la deuxième année pour mon premier stage troisième année, j'étais complètement flippée. Et puis... Au sud de Lyon, dans une clinique au cœur d'une cité. Beaucoup de faits divers dans les journaux (règlements de compte en tête) à 20 minutes de chez moi.

Mais quand même... Le social et moi, on s'aime. J'étais attirée. Sauf que là, c'était pour bosser dans le pire service pour moi.

Je n'aime pas le conflit, je déteste les cris, la tension. Je suis un bisounours qui a beaucoup de mal avec la détresse des autres. Les U (comme on dit) : pas pour moi. J'ai passé l'été à échanger avec des potes infirmiers qui m'ont rassuré. Qui m'ont rappelé que les équipes soignantes aux Urgences sont souvent les plus chouettes pour les étudiants, en terme d'intégration. Que les professionnels ne sont pas fous : comme ils ont la responsabilité de tes actes, ils te forment !

Nous avons eu seulement 2 jours de cours avant de sauter dans le grand bain.

Les Urgences, dans cette clinique, c'est :

- Une salle d'attente avec les secrétaires qui font les entrées,

- Un box d'entrée (IOA pour les puristes) où on évalue et on « trie » les patients selon la gravité et donc, le degré d'urgence

- 2 box de déchocage (pour les réanimations ou les cas les plus graves)

- 3 autres box de médecine plus « classiques »

- 3 box de traumatologie : 1 pour les plaies (plus propre) et 2 pour les plâtres (un peu Leroy Merlin quoi)

- 1 box de médecine générale, pour les patients qui, en vrai, auraient pu aller voir leur généraliste...

- Et une unité de 8 lits d'UHCD (Unité d'Hospitalisation de Courte Durée). Quand les patients ne sont plus dans l' « urgence » mais ne peuvent pas rentrer chez eux ou doivent muter dans un autre service (les appendicites par exemple).

4 infirmiers et 3 médecins le jour et 2 infirmiers + 2 médecins la nuit... dans un monde parfait (et bon... c'est rarement le cas quand même, surtout pour les médecins... ahem...).

Nous étions 4 étudiantes, de niveaux différents (mais au moins de 2ème année) et nous avons été super bien accueillies. Cadre sympa, équipe sympa, médecins sympas... Ca fait du bien (je vous rappelle que c'est loin d'être toujours le cas : « Encore des stagiaires ? Pfff... »).

Direct dans le bain : « toi en médecine, toi à l'accueil, toi en trauma... Tu sais poser un cathéter ? Non ? Et ben voilà : un bras de patient, le matériel et en avant ! Tu rates ? Bah tu recommences ! Je te regarde de loin mais j'interviens pas, je te mets pas la pression ».

Ok voilà, j'avais déjà peur. Et puis en fait, vraiment, aucune pression. Et le premier est posé... Le premier d'une loooongue série ! Honnêtement, sans vouloir me lancer des fleurs, c'est finger in the nose !

Pareil pour la sonde naso-gastrique, pour l'ECG, pour tout en fait...

Quand ça va, on te le dit et quand ça va pas, on t'engueule pas, on te parle. On te dit que tu n'es pas une esclave, que non, tu n'as pas à nettoyer le box après chaque passage. Enfin si, on le nettoie évidemment, mais ce n'est pas le « travail » de la stagiaire. Quand l'IDE s'assoit, tu t'assois. Quand elle boit un café, tu y vas, ou tu sors respirer (de la nicotine :)). Quand elle va manger le midi (à 14h30), tu l'accompagnes (ou pas, mais tu t'arrêtes aussi !).

Les médecins aussi. Je n'avais jamais vu ça. Le médecin te demande ton prénom (oui ça paraît basique hein, mais c'est pas partout), te confie des missions dés qu'il a compris que tu n'étais pas tout à fait idiote et que les IDE te font confiance. Et puis quand tu manges au self, ils s’assoient à côté de toi et te parlent (et pas de boulot hein...) ! Mais c'est fou, vous ne vous rendez pas compte !!! Du jamais vu !!

Alors je vais nuancer mon propos. Des cons, il y'en a partout. Mais surtout, je pense que le fait que les médecins soient des soignants pour la plupart étrangers (mais diplômés en France quand même), qu'ils travaillent dans cette clinique précisément, qu'ils aient ce contact avec la réalité, au milieu du service, dans le même bureau que les infirmiers... Et ben ils ne se prennent pas pour des avions !

Mais bien sûr, au cœur de tout cela, il y'a les patients.

Les patients, c'est environ 100 passages par jour pour tout... Des arrêts (peu), des occlusions intestinales (miam), des crises d'asthme, de jolies fractures, des fausses couches, des coliques néphrétiques, du sang, du pus, du pipi, du caca, du vomi... Les urgences quoi ! Et puis comme on est dans un coin sympa : plaies par arme à feu (1 en 5 semaines), plaies par arme blanche (3) et CCB (ou certificats de coups et blessures... Beaucoup trop !).

Et à côté de ça, les riens.

« J'ai mal au ventre » ou « j'ai 37,6 » ou « j'ai mal au doigt »

« Oui depuis quand ? »

« 2 mois. » ou « 2 ans » ou « Je sais pas »

« Ah... ».

Les urgences, ça ne refuse personne ! Par contre, on trie... De 1 à 5. Le 1 c'est une prise en charge dans la minute et 5... bah...

Donc on rouspète, on s'agace, on monte en tension... Et puis parfois ça explose ! Ca explose parce que les gens ne savent pas comment ça fonctionne.

En fait, quand tu arrives en tant que patient aux urgences pour une suspicion de fracture par exemple, voilà le parcours :

Tu t'inscris auprès de la secrétaire. Dés qu'un box de traumato est vide, tu es installé. Le médecin est prévenu que tu y es mais peut être qu'il s'occupe de quelqu'un d'autre... Donc tu patientes. Et le médecin vient. Comme il n'a pas les yeux de Superman, il faut une radio. Il fait un papier et tu vas à la radio. Tu reviens dans la salle d'attente. Et tu patientes. Nous, les méchants qui te font attendre, on attend le compte rendu de la radio. Et parfois c'est looooooong. Mais c'est pas de notre faute, le manip ou le médecin prend le temps. Peut être qu'il s'occupe de quelqu'un d'autre. Dés qu'on l'a, le médecin la regarde et prévoit un traitement. Un plâtre par exemple. Donc on te réinstalle dans un box. Le médecin vient te dire ce que tu as et ce qu'il veut faire.

Et puis un infirmier vient faire le plâtre. Et c'est long, c'est du plâtre...

Et là ce n'est que de la traumato... En médecine c'est pire... On recommence.

Tu as mal au ventre, très fort. Tu as tellement mal que tu viens aux urgences.

Tu arrives et tu t'inscris auprès de la secrétaire. Dés que possible, l'infirmier d'accueil (ou IOA) vient te chercher pour t'amener dans un premier box. Là, il te questionne, note, prend ta tension, ton pouls, te demande de faire pipi (parce qu'il cherche ce que tu peux bien avoir, pas pour t'emmerder...). Si c'est une colique néphrétique, il risque d'y avoir du sang dans tes urines. Si c'est l'estomac, y'en aura pas. Quand est-ce que tu as fait caca, pipi ? Si tu es une femme, date des dernières règles... On fait une enquête en fait. Le haut du ventre, on élimine les problèmes cardiaques, en bas on regarde si tu as déjà eu l'appendicite.

On va tout noter et comme ça on verra avec le médecin. Je raconte ça mais encore faut-il que tes explications soient précises. Et quelqu'un qui a très mal, parfois, il est pas très coopératif. Dans tous les cas, les gens qui ont vraiment très mal, on les laisse pas comme ça. On va attaquer les anti douleurs même sans ordonnance ! Y'a des protocoles aux Urgences...

Selon le monde qui attend et la gravité de chacun, on va t'attribuer une place dans le classement. Admettons que ce soit calme. Tu changes de box pour aller, enfin, derrière la sacro-sainte porte coulissante qui te fais croire que ça va aller plus vite de l'autre côté. On t'installe. Et direct, on te pique. Ouais on est comme ça, on adore ça... On va en profiter pour prendre du sang, même sans savoir ce qu'on cherche et ensuite on balance du sérum phy (ou du paracétamol si on voit que c'est pas la joie niveau douleur). Et là........... Il faut attendre le résultat de la prise de sang.

On a beau avoir un accès URGENCES au labo, travailler du sang ça prend du temps. En moyenne 1h30. Le médecin va venir te voir mais il est comme les vrais enquêteurs lui, sans vraie preuve il se prononce pas.

Pendant ce temps là, pour affiner ce qu'il a dans la tête, il peut t'envoyer à l'échographie par exemple. Et là c'est comme pour la radio...

Les résultats reviennent, tu es là depuis au moins 2h, en partant du principe que PERSONNE d'autre n'ait besoin de nous, des médecins, du labo ou du radiologue. Peut être que là, tu vas commencer à avoir des réponses.

Mais si tu viens aux urgences à 14h en nous disant qu'il faut que tu ailles chercher les enfants à 16h15, c'est mort ! Si tu veux un arrêt de travail parce que ce matin tu as fais un caca étrange que tu as pris en photo avec ton téléphone, c'est mort (véridique !)... j'ai des dizaines d'anecdotes comme ça. J'en ai partagé certaines sur mon Instagram qui ont bien fait rire... ou pleurer.

 

Les gens ne savent pas ce que c'est d'être pris en charge aux Urgences, ils partent sans soin parce que c'est trop long ou finalement, appellent leur généraliste. Ce qu'ils auraient du faire en premier !

Et pendant ce temps-là les soignants, on se fait pourrir. Mais aussi : on sauve. On soigne, on accompagne, on kiffe, on pique, on se marre.

J'ai adoré ce stage ! J'ai adoré cette atmosphère. J'ai adoré les journées calmes et les nuits folles, où tu ne fais pas pipi (ce n'est pas un mythe !).

J'ai adoré ces patients. Les petites mamies qui reviennent avec des gâteaux parce que tu as soigné le papy la veille, les médecins et leurs blagues pas racontables, les soignants et leurs années d'anecdotes, les patients qui s'excusent d'avoir saigné sur le brancard, d'avoir vomi sur ta blouse... Ceux qui arrivent déjà tellement mal en point que l'issue est claire, celui qui arrive pas trop mal et qui finalement, ne rentrera pas chez lui. Le toxico en manque, les prostitué(e)s avec qui j'ai eu de jolies conversations, les gens qui n'ont rien mais qui, en fait, avaient besoin de vider un peu de souci pour rentrer chez eux... Et mention spécial au grand gaillard de 50 ans, hyper baraqué qui s'est tronçonné le mollet. Il a suivi ses sutures attentivement pendant une heure, le sang partout, le médecin couturier... Sans ciller ! Jusqu’à ce que je lui montre la petite aiguille du vaccin anti-tétanique...

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