Voisin de chambre : le cas Sumo

Comme je vous l'ai annoncé, je voulais écrire sur les cas des "voisins" de mon fils lors de son séjour en neonat.

Commençons par Sumo.

Sumo est né à 6 mois et demi de grossesse. Allez, je vais vous parler du diagnostic, pas piqué des hannetons (expression locale !).

Sumo est le deuxième enfant de ses parents. On peut donc se dire que c'est un peu plus insouciant une deuxième grossesse. A 5 mois, bébé a de petites mesures. Sa maman est suivie dans l'hôpital du centre ville de Lyon, bonne réputation...

Son gyneco, qu'elle connaît bien, l'informe aussi de la présence d'une seule artère ombilicale. Normalement on en voit 2... Mais il ne s'affole pas, prenant la chose un peu trop à la légère...

Inquiète, elle passe le week-end comme ça mais le lundi, elle prend Rdv avec une sage-femme libérale qui va lui annoncer qu'on voit un début d'oesophage chez son bébé, mais pas la fin, pas d'estomac, pas d'intestins... Rien !!

Pas d'inquiétude, ils sont là, mais comme l'oesophage est fermé, ils n'apparaissent pas à l'échographie (ils sont vides, ni air, ni liquide).

Je vous fait grâce des autres anomalies (quand la génétique s'en mêle...), de la fin de grossesse pourrie, de l'amnio...

Quand l'accouchement s'annonce, panique à bord, la prématurité vient s'ajouter aux autres soucis !

Inopérable à la naissance car tout petit, on lui pose une puce d'alimentation qui sort de son ventre et qui rentre dans son estomac, comme un second nombril dans lequel on connecte des seringues de lait. Je ne vous parle pas des détails liés à la prématurité, les bradicardies (cœur qui ralentit dangereusement), problème de clapet, de valve cardiaque...

On se rend compte que l'espace entre œsophage et estomac est grand. On va attendre quelques mois, que Sumo atteigne 4,5 kg pour opérer.

J'oubliais ! Sumo est équipé d'une sonde dans sa bouche (une replog) qu'il s'amuse à arracher très souvent (grrr...) et qui aspire sa salive. Ben oui, parce qu'on se rend pas compte mais on en produit de la salive, et pas en petite quantité. Et quand elle ne va pas dans l'estomac, et bien ça peut nous tuer autant de liquide qui passerait dans les poumons ! Donc avant que Sumo ne meurt noyé dans cette flotte, on aspire 24h/24 !

A 3 mois et demi, Sumo doit passer un examen un peu chiant qui va réévaluer la distance entre les différents organes et permettre d'envisager telle ou telle chirurgie.



Les options sont assez complexes.

Si l'espace est bien réduit, on ouvre et on raccorde.

Si les distances sont encore trop importantes, il se peut qu'on aille récupérer un bout de colon pour venir faire un pont dans l'oesophage. Très compliqué, 2 zones d'opération (et donc de suivi..), une qualité de déglutition et de digestion pourries... Pas chouette comme option.

Sumo a Rdv en imagerie donc. Mais le déplacement s'annonce compliqué. Comment trimbaler la replog (alimentée électriquement) jusqu'à l'examen, 4 étages plus bas ?

J'espère que vous êtes assis, car c'est le clou du spectacle !!!



L'équipe part donc à la recherche d'une sonde portative qui fonctionnerait sur batterie. Ça doit bien exister... Ils retournent l'hôpital et bingo !! En voilà une !

Qui n'a pas servi depuis son achat, certes, mais qui existe !

On la remonte et là, on se rend compte que pour charger, on a besoin... D'un allume-cigare de voiture !!!! (Non ceci n'est pas une blague).



Ok bon, pas de panique, après tout, même si je me demande qui est le con qui a signé un bon de commande pour un équipement d'avalage de salive hautement important qui se brancherait dans une bagnole, au moins on l'a !

Mais attention, qui a le droit de brancher ce superbe gadget dans sa voiture ?? Uniquement le personnel médical bien sûr ! C'est donc une infirmière qui va l'embarquer chez elle une nuit pour la brancher dans son garage (parce qu'il faut beaucoup la charger...).

Je reviens une fois de plus sur la patience des équipes médicales, coincée entre les parents inquiets, et c'est légitime, et la burocratie qui se doit de penser "rentabilité de l'hôpital" et qui oublie parfois le B.A ba pour les patients...



La sonde est donc chargée, on l'installe et ils partent à l'examen. Et là, en plus des mauvaises nouvelles (un espace de 3,5 cm encore...), la petite famille et l'infirmier remontent morts de trouille à cause d'une sonde qui n'a pas fonctionné (10 minutes quoi...). En cherchant dans d'autres hôpitaux voisins, on trouvera ensuite un sonde identique mais qui se branchera et se rechargera sur une prise...

Le docteur qui est en charge de Sumo a opéré un maximum de 3 cm d'espace. Il ne veut pas tenter de connecter si loin.



Il évoque la possibilité de placer des fils reliés et de tirer petit à petit dessus pour rapprocher les 2 zones. Mais il préfère attendre quoi qu'il arrive.

Sumo et ses parents sont là depuis 4 mois et demi lorsque l'opération est envisagée.



Mais Sumo devient alors trop gros pour la neonat, et doit muter dans le service de chirurgie uro-viscérale... Dans une chambre seule... A même pas 4 mois !!!



Ce sont donc ses parents qui vont de relayer nuit et jour auprès de lui ! Fini le confort de la salle de neonat et ses 2 infirmières qui veillent en permanence... On l'installe dans une chambre, on le rebranche à divers capteurs pour qu'on puisse suivre de loin ses constantes (au cas oû...). Lui qui jusqu'ici s'éveillait grâce à ses parents présents quasiment tout le temps et les gentilles infirmières dont il était devenu la mascotte...

Sumo a été opéré fin janvier. On a ouvert son flanc droit sur de nombreux centimètres, écarté ses côtes pour connecter un œsophage et un estomac encore très distants. Le professeur a réussi le raccordement (en tirant très fort...) et donc le petit a été placé dans un coma artificiel pour ne pas se réveiller et souffrir.

Encore une épreuve...

Pour l'instant, il est réveillé mais shooté et a encore un drain qui produit (comprenez que c'est moche quoi...) et il ne mange plus... Donc il doit en baver, et ses parents également.

Il va, comme notre fils, devoir réapprendre à manger 1ml par heure, lui qui s'enfilait des biberons de 120 ml directement dans l'estomac via sa puce... Il va avoir faim !

Les suites de son opération s'annoncent longues et difficiles... La famille espère rentrer à la maison en avril...



Tout comme notre petit bouchon, les anomalies génétiques ne viennent pas seules et sa prématurité complique encore un peu le diagnostic final (les médecins ont un doute sur une éventuelle surdité partielle, mais le test ne pourra être concluant qu'à 6 mois... D'ici là, il faut attendre...).

Nous avons sympathisé avec ses parents, notre bébé et Sumo s'accordaient pour embêter les infirmières en même temps, et devraient se revoir en grandissant !

En attendant, nous les mamans, échangeons régulièrement. Bizarrement, on est sûres de se comprendre et de ne pas avoir à trop expliquer... Car je me rends compte qu'elle aussi rabâche les problèmes qu'elle traverse à son entourage... Et parfois se fâche de leur incompréhension...

C'est tellement difficile de traverser cela, le couple doit être en béton...

6 mois d'hôpital (au moins !), pour un tout petit bébé, sa famille (dont sa grande sœur de 5 ans aussi, très impactée par tout cela), croisons les doigts pour qu'avril soit le mois d'un retour à la maison des plus sereins ! Et un été avec un bébé Sumo, tout rond, qui découvrira les joies de la "vraie" vie de famille !

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